Du grand ami de la France au peuple dominateur
De Gaulle et Israël (1958-1969)
Les relations entre la France
et Israël étaient excellentes sous la 4è République. La France reconnut de
facto l’État d’Israël le 24 janvier 1949 avant tous les autres pays européens.
La France permit l’accession d’Israël à l’énergie nucléaire. Jusqu’en 1961 aider l’État hébreu,
c’était également affaiblir l’Égypte et sécuriser l’Afrique du Nord car y avait
un soutien logistique important de l’ Egypte nassérienne à la rébellion
algérienne.
Ces relations privilégiées entre la France et
Israël vont profondément se modifier sous la présidence du général De Gaulle en
particulier à partir de 1961. La signature des accords d’Evian en Mars 1962 ouvre la voie à l’indépendance
de l’Algérie et dès 1961 de Gaulle commence à réorienter sa politique étrangère
en faveur des pays arabes
En 1958 Golda Meir ministre
des affaires étrangères est reçue à Matignon : « L’existence d’Israël est
due, dit-elle, en grande partie à l’amitié exceptionnelle que la France lui a
témoignée au cours des dernières années ».
De Gaulle lui répond : «
Effectivement, la France professe une grande amitié pour Israël, dont elle
admire le courage et l’œuvre exemplaire pour tout l’Orient. »
De Gaulle en 1960 à propos de
Ben Gourion : « Voici David Ben Gourion. D’emblée j’ai pour ce lutteur et ce champion courageux beaucoup
de sympathique considération. Sa personnalité symbolise Israël qu’il gouverne après avoir dirigé sa fondation et son combat…
La grandeur d’une entreprise qui consiste à replacer le peuple juif disposant
de lui-même sur une terre marquée par sa fabuleuse histoire et qu’il possédait il y a 19 siècles ne peut
manquer de me séduire. »
De Gaulle : « Envers
Israël nous ressentons de l’admiration,
de l’affection et de la confiance. Vous symbolisez en votre personne la
merveilleuse résurrection, la renaissance, la fierté et la prospérité d’ Israël ; à mes yeux vous êtes le plus grand homme d’état de
ce siècle ! ».
Ben Gourion répond : « C’est
vous le plus grand homme d’État de notre
temps. Je suis reconnaissant à vous
et à votre nation de l’aide magnifique que
nous avez accordée. ».
De Gaulle: « la France vous
aidera demain comme elle vous a aidé hier mais elle n’est pas disposée à vous
fournir les moyens de conquérir de nouveaux territoires . Vous avez réussi un tour
de force. Maintenant n’exagérez pas !
».
De Gaulle en juin 1961 :
« Nous tenons à vous assurer de notre solidarité et de notre amitié et je lève
mon verre à Israël, notre ami et notre allié ».
En juin1961 Ben Gourion : « Il a été entendu
avec les officiers de renseignement français et israélien que, sous réserve d’un accord du
gouvernement français, des avions et des navires de guerre viendraient, avec un
préavis de cinq jours appuyer les forces israéliennes en cas
d’attaque. ».
De Gaulle en 1962 ,après le
règlement de la question algérienne, réoriente
totalement sa politique étrangère:
« Dans cette région où,
depuis toujours, la France fut présente et active, j’entends naturellement
rétablir notre position.… Tout nous commande de reparaître au Caire, à Damas, à
Amman, à Bagdad, à Khartoum comme nous sommes restés à Beyrouth en ami et
coopérant. »
De Gaulle en1963 : «
j’ai déjà dit, je le répète, que la France n’est et ne doit être engagé en rien
en ce qui concerne Israël. Par conséquent, ces conversations d’état-major qui
ont lieu comme si la France était engagée à quelque chose sont inadmissibles et
doivent cesser absolument. »
En 1964 De Gaulle dit à Lévy
Eshkol se : « Je ne pense pas actuellement que l’Égypte ait l’intention
d’attaquer Israël. Ses déclarations belliqueuses sont sans grande conséquence
pratique …Vous vous souciez de votre sécurité et de nouveaux moyens de défense,
vous avez pleinement raison et je vous approuve. Si votre pays était attaqué,
je tiens à vous affirmer, comme je l’ai déjà fait devant Monsieur Ben Gourion
et Madame Golda Meïr que nous serions avec vous. Mais franchement je ne crois
pas que cela arrive. C’est trop tard. Le monde a pris l’habitude de votre
présence, admis le fait que vous existez. Les Arabes eux-mêmes l’ admettent et
je ne pense pas que l’on veuille maintenant détruire l’ état d’Israël. La
menace contre Israël n’est plus la réalité d’aujourd’hui. »
De Gaulle le 24 Mai1967 déclare à Abba Eban :« Ne
faites pas la guerre ! Surtout n’attaquez pas, vous en supporteriez les
conséquences . »
Le 2 juin 67 De Gaulle: « la
France n’est engagée à aucun titre ni sur aucun sujet avec aucun des états en cause.
De son propre chef elle considère que chacun des états a le droit de vivre.
Mais elle estime que le pire serait l’ ouverture des hostilités. En
conséquence, l’État qui ,le premier et où que ce soit, emploierait les armes
n’aurait ni son approbation, ni à plus forte raison, son appui. ».
Le 2 juin 1967, trois jours
avant le début de la guerre des 6 jours , de Gaulle ordonne d’interrompre de
façon temporaire les livraisons d’armes en cours vers les pays concernés. C’est
essentiellement Israël qui est touchée car c’est la France qui équipe
massivement depuis une décennie l’armée israélienne. Quelques jours après la
guerre des six jours , le général De Gaulle publie un communiqué indiquant que
la France « condamne l’ouverture des hostilités par Israël, refuse les
changements réalisés sur le terrain par l’action militaire et demande un accord
de paix librement négocié , accepté par toutes les parties et consacré par la
communauté internationale. ». Le pourcentage des Français qui approuve la
politique de de Gaulle au Proche-Orient chute brutalement de 71 % à 30 %.
André Malraux, ministre de la
culture et fervent soutien d’Israël
relativise cette position : « Soyez patients, ce qui s’est
joué aujourd’hui n’est pas terminé.… La France sera l’arbitre dans le conflit russo
-américain et elle pourra vous être bien utile. La France contre vous, quel enfantillage !
Le général De Gaulle, je le connais bien, il ne prendra pas à terme une
position anti israélienne… Vous ne croyez certainement pas qu’on est si bêtes
en France pour vous prendre pour un agresseur. Tout le monde sait que les
Arabes ont essayé de vous prendre à la gorge, vous étrangler et que vous n’avez
pas eu d’autre choix que de frapper le coup. Aucun homme sensé ne peut vous en blâmer »
La poursuite de l’embargo français sur les
armes destinées à Israël pousse ce pays
à se tourner vers les Etats-Unis et à acquérir un armement américain.
De Gaulle , lors de sa conférence du 27
novembre 1967 , prononce la phrase qui restera dans les annales de
l’histoire et que certains considèreront comme franchement antisémite : « Certains
même redoutaient que les juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés
ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite ,sûr de
lui-même et dominateur, n’en viennent,
une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en
ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient
depuis 19 siècles. ».
De Gaulle décide le 3 janvier 1969 un embargo complet
sur les ventes d’armes à Israël.
Les relations diplomatiques
entre la France et Israël resteront difficiles sous les présidents suivants
Pompidou et de Giscard d’Estaing.
Bibliographie
De Gaulle ,Israël et les
Juifs Raymond Aron
Histoires secrètes France Israël
1948 2018 Vincent Nouzille