Les juifs d’Algérie de 1830 à 1962
Les juifs d’Algérie de 1830 à
1962
Chronique d’une intégration
réussie
Avec l’arrivée des
troupes françaises à Alger le 05 juillet
1830, une nouvelle ère s’ouvrait pour les
Juifs d’Algérie qui leur permettra d’accéder 40 ans plus tard à la
citoyenneté française .
1791 La loi votée par l’Assemblée Constituante et ratifiée
par Louis XVI le 27 09 1791 permit aux
juifs de France de devenir des citoyens français. La France a été le premier
pays à accorder la pleine égalité des droits aux juifs. L’édit de tolérance de
Joseph II d’Autriche en 1780 et l’édit de tolérance de Louis XVI en 1786
avaient initié un processus d’émancipation mais non de citoyenneté.
1830 Les troupes françaises débarquent en Algérie le
14 06 1830 et entrent victorieuses à Alger le 05 07 1830 . Le même mois , la
révolution chasse Charles X et Louis-Philippe devient roi des Français .
Soumis à la puissance ottomane jusqu’en
1830, la condition de la majorité de la population juive
d’Algérie, estimée à environ 15000 personnes , était misérable. Il leur était
interdit d’opposer la moindre résistance à la violence d’un musulman. Ils
étaient corvéables à merci et exposés à de fréquents pillages voire à des massacres
. Le consul américain William Sharer décrivait les Juifs d’Alger comme «
les restes les plus malheureux d’Israël .» Le débarquement français en
1830 est donc considéré pour la plupart d’entre eux comme une libération.
1834 Par ordonnance royale du 24 02 1834 , l’Algérie
est annexée à la France ; les indigènes musulmans et juifs deviennent des
sujets français puisque « placés sous la souveraineté directe et immédiate
de la France…, la qualité de Français pouvait seule désormais être la base et
la règle de leur condition civile et sociale » . Le statut des juifs s’améliore considérablement passant
de dhimmi à sujet français indigène, à
égalité avec la population musulmane. Il relève désormais de la loi française. Louis- Philippe, plutôt
bienveillant à l’égard des Juifs, déclare en 1835 à des délégués de la
communauté : « Comme l'eau qui tombe goutte à goutte perce le plus
dur rocher, de même l'injuste préjugé qui vous frappe s'évanouira de jour en
jour devant la raison humaine et la philosophie »
1845 L’ordonnance royale du 05 11 1845 supprime les principaux
fondements de l’organisation juive traditionnelle. La notion de nation juive est
remplacée par celle de culte israélite. En prenant comme modèle l’organisation
de la communauté juive française , trois consistoires sont créés à Alger, Oran et Constantine comprenant des élus locaux toujours assistés
d’un grand-rabbin dépêché de Métropole .Les tribunaux rabbiniques perdent leurs
prérogatives et les rabbins sont dépossédés de leur pouvoir civil, au profit de
la justice et de l’administration française. Dès cette époque, la jeunesse
juive parle couramment le français et fréquente les écoles françaises
1865 En 1864 à Oran , Napoléon III déclare: «
j’espère que bientôt les israélites algériens seront des citoyens français ». Le Sénatus-consulte du 14 07 1865 propose la nationalité Française sur demande à tous
les habitants musulmans, juifs et étrangers à condition d’en accepter ses
droits et ses obligations notamment le
respect de la capacité juridique de la femme, l’interdiction de la bigamie et
de la répudiation. L’article
2 relatif aux Juifs stipule : "L'indigène israélite est français,
néanmoins il continue à être régi par son
statut personnel. Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il
peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut, sur sa
demande, être admis à jouir des droits de citoyens français; dans ce cas, il
est régi parla loi française ». Le décret impérial qui suit le Sénatus-consulte est publié le 21
04 1866. Seuls 152 juifs et une dizaine de musulmans obtiennent
à titre individuel leur naturalisation en raison semble-t-il de la complexité et de la lenteur de la
procédure administrative qui nécessitait un décret rendu par le Conseil d’état.
En mars 1870 , sous Napoléon III, le ministre de la justice, Émile Olivier,
s’apprête à proposer une naturalisation collective avec une possibilité de
renoncement individuel dans un délai d’un an. La guerre et la chute de l’empire
ne lui permettent pas de mener à bien ce projet.
1870 L’avocat et ministre
Adolphe Crémieux fait voter un décret naturalisant collectivement tous les
Juifs d’Algérie (à l’exception de ceux des Territoires du Sud qui n’accèderont
à la citoyenneté française qu’ en 1961). Le Gouvernement de la Défense Nationale
dirigé par Gambetta décrète à Tours le 24 10 1870 :« Les Israélites indigènes
des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français ; en
conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la
promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis
jusqu'à ce jour restant inviolables. Toute disposition législative, tout
sénatus-consulte, décret, règlement ou ordonnance contraires, sont abolis. »
Les décrets d’application paraissent le 7 octobre 1871 et permettent à 34 574 juifs indigènes de devenir
des citoyens français. Dix mois après
sa promulgation, l’ Assemblée est saisie par Lambrecht , ministre de l’intérieur du nouveau gouvernement Thiers, d'une
proposition d'abrogation du décret. Crémieux arrive à convaincre les députés de
se contenter d'un amendement n'octroyant la citoyenneté qu'aux Juifs dont
l'origine algérienne était attestée.
1897 Une partie de la population européenne,
hostile au Décret Crémieux , craignait que le pouvoir électoral accordé aux juifs
modifie l’équilibre des forces politiques et la représentation parlementaire.
Des manifestations antijuives ont lieu dès 1878
mais c’est surtout en 1897, alors qu’éclate en France l’affaire Dreyfus,
que les attaques antijuives culminent. De violentes émeutes ont lieu dans
plusieurs villes d’Algérie en particulier à Constantine et à Oran. A Alger en
janvier 1897, des bandes d’émeutiers s’attaquent pendant une semaine aux magasins juifs. Deux
hommes sont assassinés, une centaine grièvement blessés et 138 établissements
juifs démolis et pillés. Édouard Drumont , célèbre dirigeant antisémite, est
élu en 1898 député d’Alger et Max Régis, directeur de la ligne antijuive d’Alger,
est élu maire de la ville mais suspendu par le gouvernement français un mois à
peine après son élection. La fièvre
antisémite se calme avec le changement de siècle pour reprendre 30 ans plus
tard . Les juifs sont massivement mobilisés lors de la première guerre mondiale
et 2850 d’entre eux meurent au champ d’honneur.
1940 Le décret Crémieux est
aboli le 07 10 1940 par Peyrouton, ministre de l’intérieur de Vichy, quatre jours après l’apparition du premier
statut des juifs. Les juifs redeviennent des juifs indigènes.
Près de 500 professeurs ou
instituteurs sont renvoyés et 20 000 élèves exclus des écoles publiques.
Dès Septembre 1941, les juifs d’Algérie sont dans l’ obligation de se
faire recenser avec application du tampon juif indigène sur leur carte
d’identité. Un numerus clausus est instauré , excluant la majorité des enfants
et des adolescents de l’enseignement public. Dans l’enseignement supérieur, le
numerus clausus est de 3 % des effectifs
inscrits, comme en métropole mais en Algérie il y a en plus un numerus clausus
pour les élèves des écoles primaires et secondaires. Ce numerus clausus qui était
de 14 % en 1941 -1942 est réduit à 7 % à la rentrée 1942- 1943(loi du 19 10
1942). Pendant ces deux années plus de 18 500 enfants juifs ont été chassés des
écoles publiques. En novembre 1941, un numerus clausus de 2 % interdit à la
majorité des membres des professions libérales d’exercer leur métier.
1942 De jeunes juifs dirigés par José Aboulker
prennent à Alger une part active et décisive à l’Opération Torche et au
débarquement américain du 08 11 1942. Les lois de Vichy sont maintenues par
l’amiral Darlan. Après l’assassinat de Darlan , le général Giraud , commandant en chef , ne veut pas rétablir la
situation des juifs antérieure à Vichy. Il refuse d’incorporer les
recrues juives dans l’armée. Les juifs doivent servir dans des bataillons
spéciaux de travailleurs non combattants sous le nom de "pionniers".
1962 L’indépendance de l’Algérie a entraîné l’exode
quasi total des 130 000 juifs d’ Algérie qui à plus de 90 % ont choisi de s’installer en
France.
Le décret Crémieux et l’enseignement prodigué par une école
laïque et républicaine de grande qualité ont été de fantastiques ascenseurs sociaux
pour la communauté juive algérienne, permettant l’accès à de brillantes
carrières dans de nombreux domaines .Les Juifs d’Algérie en étaient
conscients et leur attachement à la France est resté total et inconditionnel malgré le traumatisme et la
profonde humiliation provoqués par les lois de ségrégation raciale de 1940.
2 commentaires:
Merci pour ce rappel des faits.
Etes vous un parent du Pr. Fernand Derrida ?
Oui . Fernand Derrida Professeur de droit à Alger puis à Nice,était mon oncle
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